Nous sommes le 1er dimanche du mois, c’est l’heure de ton infolettre juridique.
Aujourd’hui, je vais notamment te résumer la circulaire du ministre de l'intérieur du 23 janvier 2025, dite “circulaire Retailleau”.
Ce sera l’occasion de t’expliquer le concept juridique de hiérarchie des normes.
En fin d’édition : une belle mascarade !
Prêt ? En avant, droit.
1. Une portée limitée
La circulaire Retailleau est dans la continuité de la loi immigration de janvier 2024.
Deux informations générales essentielles :
Elle remplace la circulaire Valls de 2012, qui n’est plus applicable ;
Son champ d’application est très restreint : elle précise les conditions de l’admission exceptionnelle au séjour (article L.435-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) d’étrangers en situation irrégulière qui, généralement, ont déjà fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF).
Je t’explique juste après pourquoi la portée de ce texte est limitée.
Mais avant, zoom sur ces deux principaux changements.
2. Un durcissement des critères de régularisation
La principale évolution de cette circulaire réside dans :
L'allongement de la durée minimale de présence en France, qui passe de 5 à 7 ans pour être éligible à une régularisation.
Pourquoi 7 ans ?
Parce que 7, c’est plus que 5.
Parce qu’ils veulent montrer qu’ils sont plus exigeants, plus fermes.
Pour reprendre les termes de Mme la Députée Marie-Charlotte Garin : "Traduction : exploiter l'humain dans l’ombre mais exclure au grand jour”.
Le deuxième changement majeur concerne :
Une maîtrise renforcée du français : avant, une connaissance élémentaire suffisait ; maintenant, elle devra être prouvée par un diplôme ou une certification.
Si cette exigence peut sembler légitime, sa mise en œuvre va poser de sérieuses questions pratiques, notamment sur les certifications linguistiques.
Ces certifications ne seront en effet pas réalisées par l’Etat mais par des organismes privés payants, laissant craindre des dérives.
En résumé, la circulaire Retailleau resserre nettement les conditions de régularisation, sans pour autant interdire toute admission exceptionnelle au séjour.
3. Les paradoxes des circulaires
C’est le moment des explications juridiques.
Pourquoi une circulaire a nécessairement une portée limitée ?
A cause de la hiérarchie des normes.
Qu’est-ce-que la hiérarchie des normes ?
C’est un concept en vertu duquel le Droit est organisé selon un classement des règles en fonction de leur importance.
Le principe à retenir est le suivant : une règle de niveau inférieur doit toujours respecter les règles qui sont au-dessus d’elle.
Sinon, cette règle est illégale et peut être annulée par un juge.
Comme un schéma vaut mille mots, voici les principales règles selon leur importance :
Tu le vois, les circulaires sont…tout en bas !
Cela signifie qu’une circulaire :
N'a pas la valeur d'une loi : elle ne peut ni modifier la loi, ni créer de nouveaux droits ou interdictions ;
Sert surtout à guider l’action de l’administration afin qu’une loi soit appliquée de manière uniforme sur tout le territoire.
En raison de sa puissance juridique modeste, une circulaire ne peut donc :
Ni être revendiqué par un citoyen pour exiger un droit ;
Ni être utilisé par l’administration pour restreindre des droits garantis par d’autres règles juridiques d’une valeur supérieure.
4. Labels et certifications : vive le vent !
Dans l’édition d’octobre 2024, ici, je :
Me moquais de la novlangue sur la prétendue qualité du service public.
Qu’apprends-je aujourd’hui ?
D’abord, que : “Après avoir été labellisée Marianne en 2012, Qualipref 2 en 2014 Qualipref2.0 en 2015, et qual-e-pref, en 2022, la préfecture de l’Isère et le secrétariat général commun ont été labellisés quali-ATE le 31/12/2024”.
Ensuite et surtout, qu’en janvier 2025, Wordart n’était pas mort !
Il faudra m’expliquer comment une préfecture qui est :
Indifférente face à la pénurie de rendez-vous de titres de séjour ;
Incapable de traiter des demandes simples dans les délais légaux ;
Inaccessible, très largement, de manière physique Je maux ressortissants étrangers ;
Condamnée tous les jours par le Tribunal administratif de Grenoble pour des manquements à ses obligations.
A décemment pu être labellisée par un organisme de certification privé, soit disant indépendant.
Transmettais à la préfecture de l’Isère une réclamation concernant un accueil physique agressif dont un client avait été victime.
Le 6 octobre 2024, je recevais cette réponse automatique :
Conformément à nos engagements de qualité de service, au titre de quali-ATE et de services publics +, votre demande est en cours d’instruction par le service compétent auquel je l'ai transmise.
Un courriel vous sera adressé par ce service qui vous indiquera le délai dans lequel il vous apportera une réponse.
Je m’étais engagé à vous tenir au courant.
Quatre mois plus tard, j’attends encore le “courriel du service compétent m’indiquant le délai dans lequel il m’apportera une réponse”.
Il faut croire que celui-ci était trop occupé à se faire labelliser.