Nous sommes le 1er dimanche du mois, c’est l’heure de ton infolettre juridique.
Le mois dernier, je t’ai expliqué les “refus de guichet”.
Les cas où un agent de préfecture refuse le dépôt d’une demande de titre de séjour, ou de renouvellement, pour quelque motif que ce soit.
Aujourd’hui, je poursuis ce même thème avec quelques réflexions sur la qualité du service public préfectoral et des pistes pour essayer de l’améliorer.
Prêt ? En avant, droit !
1. Accueil en préfecture : la grande hypocrisie
Tu le sais peut-être : j’ai fait un stage au ministère de l’Intérieur [en 2012 : ce n’est certes pas une excuse mais…je n’avais rien trouvé d’autre].
S’il m’a permis de savoir ce que je ne voulais pas faire, il m’a aussi fait découvrir “Qualipref” : un dispositif censé fixer des exigences d’accueil du public dans les préfectures.
Pour préparer cette infolettre, je me suis replongé dans cette merveilleuse invention technocratique.
Ce qui a changé depuis 2012 :
Le nom, deux fois :
D’abord, pour “Qual-e-pref” [éternelle admiration à ce fonctionnaire ou cabinet de conseil qui a proposé de changer une lettre] ;
Ensuite, pour “Services publics +” : l’administration est morte, vive le naming !
La densité des productions :
Il y a peu, on avait encore droit à des PDF de 63 pages, format diapositive en arial 10 [tu penses que j’exagère ? c’est par là, bon courage]
Maintenant, on a de belles présentations en format ‘Facile à lire et à comprendre’ : le service public est mort, vive le marketing !
Ce qui n’a pas changé depuis 2012 :
La propension de la haute fonction publique à se moquer de nous [phrase réécrite huit fois pour rester poli].
Prêts à pleurer ? Voici les “nouveaux engagements du service public” :
Dans le respect mutuel, vous êtes accueillis avec bienveillance et avez le droit à l’erreur ;
Vous pouvez facilement entrer en contact avec vos services publics ;
Vous bénéficiez d’un accompagnement adapté à votre situation personnelle ;
Votre demande est traitée dans les délais annoncés ;
Vous disposez d’une information claire, simple et accessible.
Voilà, voilà…
“La guerre, c’est la paix. La Liberté, c’est l’esclavage. L’ignorance, c’est la force”. Georges ORWELL, 1984.
2. Que faire pour améliorer l’accueil ?
J’ai peu d’espoirs sur notre capacité à influer, à court terme, sur le nombre de fonctionnaires et la qualité du service public.
Mais cela ne signifie pas qu’il faille pour autant baisser les bras.
Les “engagements” précités étant bafoués pour les ressortissants étrangers, notamment en Isère, peut-être le septième pourrait-il venir au soutien des autres.
Le voici :
Votre avis est pris en compte pour améliorer le service rendu
Mais qu’entendent-ils par “avis” ?
Le tableau de bord “Qual-e-pref” les définit comme les “suggestions et réclamations” des usagers, qui peuvent être déposées dans une urne ou adressées par courriels.
En 2022, la préfecture de l’Isère a eu…
…une seule réclamation !
C’est la raison pour laquelle j’invite tous ceux légitimement choqués par l’accueil qui leur a été réservé à :
Tapez "réclamation" dans l'onglet ‘Recherche’ du site de leur préfecture et se laissez guider.
Pour ceux qui habitent en Isère, vous pouvez écrire directement à : pref-traitement-reclamations@isere.gouv.fr
Ça n’améliorera peut-être pas la qualité de l’accueil à court terme mais ça permettra de :
Remettre un peu de réel dans des réunions de ministères ;
Diminuer le sentiment d’impunité de certains agents de préfectures.
D’ailleurs, je viens de le faire :
Je vous tiendrai au courant.
Pour terminer ce sujet des “refus de guichet”, je te partage :
Un conseil lecture : “La vie au guichet”, du sociologue Vincent DUBOIS [que j’avais interrogé à propos de son dernier livre, consacré aux contrôles des CAF. Retrouver l’interview dans son intégralité ici] ;
Le témoignage d’un client relatif à notre passage en préfecture :
“L'agent de la Préfecture qui nous a reçus n'a même pas lu correctement ma demande et m'a demandé un papier que je n'avais pas. Par erreur, elle voulait changer mon type de demande au lieu de l'enregistrer comme un renouvellement. Elle a aussi voulu enlever des éléments pourtant pertinents de mon dossier alors que toutes les pièces étaient listées et numérotées”.
Heureusement, le rendez-vous s’est bien terminé ! Merci à lui pour son témoignage.
Une victoire contentieuse relative à un “refus de guichet” :
Le 6 août 2024, une personne n’avait pas pu déposer sa première demande de titre de séjour au motif qu’il n’avait pas de passeport.
Il m’a confié sa défense et :
Le 17 septembre 2024, le Tribunal administratif de Grenoble a estimé que cette “décision orale” était illégale dans la mesure où :
Elle avait été prise par un agent anonyme ;
Mon client avait présenté des justificatifs de son identité et de sa nationalité.
En conséquence, il a décidé qu’il y avait lieu de :
Le mois prochain, je parlerai du problème suivant :
Je t’expliquerai comment forcer la préfecture à te donner un rendez-vous.